Arranges-toi toute seule.

Depuis que je suis jeune, tout m'est apparu tout cru au bec. Comme une princesse. Comme les gens dont je me moque aujourd'hui. Elle, ma mère, même si elle refuse que la mentionne et qu'elle va m'enlever ma ligne de téléphone... ne tente que d'empirer ma situation, on dirait. Les inscriptions sont demain (qu'elles finissent). Pour la téléphone... tant pis, je vais tout perdre de toute façon. Et elle ose vouloir enlever mon seul moyen de communication... Elle dit que je vais le voir, méchamment bien sûr pour se moquer, et que je vais paniquer, devenir folle, devenir dépressive. Ah, comme si je ne l'étais pas déjà! Elle fait exprès; elle mentionne souvent son nom par accident. Elle sait que c'est mon point faible, mon pied d’Achille. N'importe quoi. Je donnerais tout pour une autre année scolaire. Pour, qu'une dernière fois, ça soit simple. Je ne peux habiter seule. Je ne veux habiter chez Félix. Je ne veux habiter chez moi et je ne peux habiter en résidence. L'argent ne pousse dans les arbres. Je suis médiocrement déprimée, mais je suis bien, ici. J'ai envie de mourir, mais j'ai trois (deux... un?) repas par jour. Je me lave régulièrement même si je prends beaucoup de savon. Je vais sur Internet même si je le gaspille énormément. Je coûte cher, je mange. J'ai un Xbox, une télévision, un portable, un téléphone. J'ai du maquillage, des crèmes pour mes jambes, une chambre. Plus jamais je n'aurai cette chance. Je devrai bientôt devenir une adulte. Sauf que je n'aurai pas d'argent. C'est facile de me dire de me pogner une job, mais vous saurez que j'essaie et qu'une job ça ne pousse pas dans les arbres, ça non plus. Ici j'ai un lit. Je n'en aurai plus. Je vais tout perdre les choses que j'ai, sans d'avoir d'argent pour en ravoir. Mon père n'a pas de meilleures solutions que ma mère en ce qui concerne ma scolarité, excepté une année sabbatique. Je ne peux pas prendre une pause. Il faut donner le tout avant de donner rien. Mes habitudes de princesse d'ici me tuent. Je m'en fous de ne pas manger s'il faut, être avec mon cellulaire seulement, dans une pièce vide, pourvu je sois heureuse. Je doute que ça arrive.